Institutions de Microfinance: comment gerer vos risques de crédits

Les Institutions de Microfinance (IMF) ou Systèmes Financiers Décentralisés (SFD) se sont données comme objectifs de contribuer au financement de la population à majorité pauvre et ne pouvant facilement bénéficier du financement émanant des banques classiques. L’adoption de cette cible par les IMF engendre tout de même de nombreux risques auxquels elles sont obligées de faire face, parmi lesquels le risque de crédit se présente comme le plus récurant. Le risque de crédit pourrait se définir comme la probabilité pour une IMF de ne pas voir remboursés, les prêts qu’elle a octroyés à sa clientèle. En Côte d’Ivoire, le non recouvrement des créances des SFD vis-à-vis de leur clients a fait disparaître beaucoup d’entre elles. Pour remédier à ce fléau qui gangrène ce secteur d’activité si déterminant pour notre économie, il conviendrait pour nos IMF, de désormais faire usage de certaines techniques de gestion des risques de crédits.


1. L’élaboration de manuel de procédures


Afin de faciliter une éventuelle mission de contrôle interne, toute institution de microfinance devrait se doter d’un manuel de procédures administratives et comptables. Le manuel de procédures est un document qui définit les taches de tous les acteurs de l’institution de microfinance. Il précise également les pouvoirs et obligations de chaque responsable, mais surtout expose de façon très détaillé, comment les décisions doivent être prises et comment l’information doit circuler dans l’IMF. Lorsqu’un manuel de procédure est adopté en entreprise, tout employé qui ne l’applique pas scrupuleusement s’expose à de lourdes sanctions. Malheureusement, beaucoup d’IMF en Côte d’Ivoire n’ont pas de manuel de procédures en interne. Leurs employés travaillent donc sans aucune boussole, rendant ainsi très difficile toute mission d’évaluation ou d’audit en cas de mauvaise gestion signalée par les sociétaires. Lors des assemblées générales, les sociétaires devraient imposées à leurs dirigeants de caisses de microfinance, l’adoption d’un manuel de procédures pour l’exercice en cours. Cela éviterait les nombreuses improvisations de gestion que nous constatons encore dans ce secteur jusque là.


2. La définition des Critères d’Acceptation des Actifs Risqués (CAAR)


L’instauration de ce mode de gestion de crédit s’est révélée très efficace dans plusieurs pays déjà. Toutes les IMF devrait de nos jours se doter de Critères d’Acceptation des Actifs Risqués (CAAR) pour tous les produits financiers qu’elle offrent à leurs clientèle. Il faut entendre par CAAR, des critères bien élaborés, auxquels les responsables chargés d’octroyer les crédits dans l’IMF, se réfèreront obligatoirement lors de l’analyse des dossiers de demande de prêt constitué par les sociétaires. Les CAAR pourraient par exemple faire ressortir :

-les caractéristiques des emprunteurs éligibles

-l’objet du crédit sollicité

-le type de prêt

-le montant du crédit demandé

-le taux d’intérêt à appliquer

-les niveaux d’approbation

-le délai de remboursement du crédit

-les garanties à exiger


3. L’étude du dossier de crédit


Toute demande de crédit devrait être assujettie à la constitution d’un dossier de demande de crédit. Ce qui n’est pas souvent le cas dans nos IMF. Celles qui s’évertuent à appliquer cette disposition de gestion transparente sont tout de suite taxées de trop exigeantes et semblables à des banques. Mais c’est justement ce genre de dispositions apparemment très rigides qui permettent à ces catégories d’IMF d’exister encore et de se faire même financer par d’autres banques de la place. Un dossier de crédit peut par exemple comporter :

-Une demande de crédit rédigée par le sociétaire et adressée au directeur de l’IMF

-Des documents permettant d’identifier parfaitement le demandeur

-Les résultats d’une étude de faisabilité ( Business Plan) démontrant la rentabilité et la solvabilité du projet à financer par l’IMF

-La description du plan de remboursement souhaité par le sociétaire

-La présentation de certaines garanties pour couvrir une éventuelle insolvabilité du sociétaire

La clientèle analphabète pourrait avoir du mal à produire un business plan, dans ce cas, il conviendra à chaque IMF de prévoir des plans d’affaires clés en main, que les agents de crédits rempliront au cours d’un entretien avec les sociétaires ne sachant ni lire ni écrire. L’analphabétisme ne les empêchant pas de maîtriser la rentabilité de ce qu’ils veulent entreprendre grâce au financement sollicité. Le dossier de crédit devra être minutieusement analysé selon la procédure adoptée en interne par l’IMF en respectant tous les niveaux de décision. A ce niveau il conviendrait parallèlement à cela de mener une étude aussi sur le terrain afin de vérifier les informations fournies par le postulant, et aussi de recueillir toutes formes de données supplémentaires pouvant faciliter l’analyse du dossier. L’analyse du dossier de crédit permettra de ressortir :

- La rentabilité du projet : est ce que ce projet génère des bénéfices annuels et permet d’atteindre les objectifs que le sociétaires s’est assignées ?

- La solvabilité du projet : est ce que les résultats financiers dégagés par ce projet lui permette de rembourser dans les délais requis la somme empruntée et les intérêts qui y sont greffés ?

- La pérennité du projet : est ce que ce projet dure dans le temps ? Est-ce que les besoins à satisfaire mentionnés par ce projet existeront encore au moment de la mise à disposition du prêt au sociétaire ?

- La solidité des garanties : est ce que les garanties présentées par le postulant permettront rapidement à l’IMF de facilement entrer en possession de la somme d’argent prêtée ? Quelle sera dans un avenir proche, la valeur du bien présenté comme garantie ?


4. La mise en place du crédit


L’une des erreurs très souvent commise par les IMF, c’est d’accorder le financement au postulant, avant même de vérifier l’existence et la valeur actuelle des garanties brandies par celui-ci. Cette méthode est fortement déconseillée. Il convient plutôt de vérifier d’abord l’effectivité des garanties. Aussi le problème de compétence se pose au niveau des instances de décisions chargées de la mise en place du prêt. Il s’agit très souvent des comités de crédit qui certaines fois comportent des membres n’ayant aucune connaissance en matière de gestion financière, et sont tout de suite prêts à octroyer un crédit à n’importe quel sociétaire, pourvu que ce dernier ait des affinités avec eux. A ce niveau, plusieurs spécialistes en gestion des IMF recommandent que les comités de crédits soient composés de personnes maîtrisant les questions économiques et financières, mais aussi de personnes n’étant pas forcement issus du domaine financier mais qui sont tout de même aptes à analyser un projet à sa juste valeur, et à prendre des décisions d’investissement qui serraient bénéfiques tant aux sociétaires qu’à l’IMF.


5. Le suivi du crédit


Le crédit ayant été mis à la disposition du sociétaire, un suivi du remboursement s’impose à l’IMF. L’emprunteur, après avoir signé le contrat avec l’IMF, s’engage ainsi à respecter l’échéance qui lui a été accordée. Le suivi des crédits peut être individuel, ou peut porter sur l’ensemble du portefeuille de crédit. L’un des instruments le plus utilisé en matière de gestion de portefeuille de crédits au niveau des IMF est la balance âgée. Cette balance permet de représenter à travers un tableau, l’ensemble des sociétaires ayant bénéficié d’un crédit, le délais de remboursement qui leur incombe, les remboursements déjà effectués, et les remboursements à percevoir.

En cas de défaillance de l’emprunteur, les responsables de l’IMF se devront de réagir très rapidement au risque de voir leurs prêts octroyés se muer en créances irrécouvrables. Ils pourront par exemple procéder à un rappel au client que l’échéance est presque à son terme, aussi un ré-échelonnement de la dette de leur client peut être envisagé si le client montre sa bonne foi de remboursement. L’on pourra aussi recourir à un huissier de justice pour un recouvrement plus efficace. Néanmoins, face à des difficultés persistantes de recouvrement, il serait plus prudent pour les gérants des IMF de passer des provisions au niveau de leurs écritures comptables.


LOH DAMAS

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