FINANCES: Faut-il avoir peur des banques nigérianes?

Ayant décidé d’étendre leurs tentacules dans toute l’Afrique de l’Ouest, les banques nigérianes ont posé leurs valises sur les bords de la lagune ébriée depuis quelques années. Cette vaste conquête, qui d’une part est venue renforcer le dynamisme du marché financier local, a d’autre part créé certaines suspicions relatives à la fiabilité de ses banques anglophones.


Une puissance financière conquérante


Après les grandes reformes de recapitalisation du système bancaire nigérian, menées en 2005 sous l’impulsion la banque centrale du Nigeria, un vaste mouvement de fusion et d’acquisition a engendré l’éclosion de grosses banques nigérianes. Au nombre de celles-ci figurent ACCESS BANK NIGERIA qui occupait le troisième rang du classement 2008 des banques africaines, avec un total bilan évalué à 10,517 Milliards de dollars. L’autre banque que l’on pourrait également citer est la United Bank of Africa (UBA) qui occupait la quatrième place du même classement, avec un total bilan estimé à 10,270 Milliards de dollars. Ces deux banques, dont la puissance financière ne passe pas inaperçue, ont atterrit sur le sol ivoirien, précédées dans leur offensive par une grande renommée. C’est ainsi qu’on a assisté au rachat en 2008 d’OMNIFINANCE par ACCESS BANK qui a acquis 88% de son capital. Avec à sa tête Amadou Ly, ACCESS BANK CI affiche déjà ses ambitions de se positionner d’ici 2012 parmi les trois premières banques de Côte d’Ivoire. Loin de chercher à réaliser un simple rêve, les dirigeants de cette institution financière n’ont pas lésiné sur les moyens tant humains, matériels et financiers, pour pouvoir pénétrer ce marché ivoirien hautement concurrentiel. Soutenue par une grosse campagne marketing dans les médias audiovisuels et un réaménagement total de son personnel, ACCESS BANK CI a pu se faire un place en instaurant : un nouveau logiciel de gestion dans ses agences, la formation de ses cadres au style bancaire anglophone se fait également au fur et à mesure, et le développement de produits financiers adaptés aux PME/PMI fait parti de ses priorités.

Sa consoeur la UBA, a à son niveau, procédé à une autre méthode en implantant directement une filiale en Côte d’Ivoire. Ainsi, UBA CI, après l’ouverture de ses agences du Plateau et de Treichville, a commencé à conquérir la ville d’Abidjan avec l’ouverture très récente de l’agence des II Plateaux Vallon. En dehors du matraquage médiatique de ses prestations, cette banque a décidé de livrer rude bataille à ses concurrentes déjà en place en mettant un accent particulier sur les produits de la monétique. Ses Distributeurs Automatiques de Billets (DAB) avec leur éclat rouge vif, leur donne d’être facilement repérable. L’innovation est au rendez-vous avec UBA CI vu leur installation dans des endroits stratégiques jusque là négligés par les autres banques, à savoir, la clinique de la PISAM et la galerie PRIMA en zone 4. Le dernier DAB vient d’être déposé à ciel ouvert sur le boulevard Latrille des II Plateaux en face de la direction des impôts, donnant ainsi la possibilité à tous les passants de contempler l’esthétique de leur équipement monétique, sous l’œil vigilant d’agents de sécurités postés juste à côté de l’appareil. UBA CI vient d’appuyer sur l’accélérateur de sa stratégie marketing par le lancement d’une vaste campagne de promotion qui permettra à la population d’ouvrir un compte bancaire dans ses locaux avec un montant de 5 000 FCFA, tout en disposant d’une carte bancaire. Du jamais vu en milieu bancaire ivoirien !

Avec des résultats financiers valant plus de dix fois ceux des leurs concurrentes ivoiriennes, ces banques nigérianes semblent semer la terreur par leur puissance financière très remarquable. C’est dans cette stupeur que toute la classe bancaire ivoirienne attend depuis peu, l’arrivée très imminente de deux autres mastodontes nigérianes, c'est-à-dire DIAMOND BANK et SKYE BANK, qui sont en train de régler les derniers détails de leur constitution, et sûrement des stratégies très percutantes de leur prochaine pénétration du marché.


Un mode de gestion inquiétant


En même temps qu’elles inquiètent leurs concurrentes, vu leur puissance financière, les banques nigérianes ont du mal à rassurer la population quant à la sécurisation des fonds à leur confier. L’on a encore en mémoire les nombreuses plaintes des clients d’ACCESS BANK CI avec l’instauration de son nouveau logiciel bancaire qui avait engendré dans le temps de nombreux bugs, causant ainsi des ponctions non voulues sur les avoirs de plusieurs clients de cette banque. Il est aussi à déplorer la prolifération à Abidjan de plusieurs ressortissants du Nigeria dans les cybercafés, orchestrant au vu et au su de tous, d’ingénieuses méthodes d’arnaques sur Internet. Le Nigeria a été pendant plusieurs années épinglé au niveau international sur ces pratiques cybercriminelles. Du coup, la grande montée de ses filiales bancaires en territoire ivoirien, avec à la clé l’installation de nouveaux logiciels bancaires en provenance du Nigeria, est de nature à semer le doute dans l’esprit de la population ivoirienne non bancarisée. Des murmures au sein de la population leur attribuent le terme péjoratif de « banques volantes », en référence aux pratiques d’ouverture et de fermeture subites d’agences bancaires au Nigeria avant la grande reforme de 2005 ayant généré l’assainissement du système financier nigérian.

Aussi, certains derniers évènements ont encore troublé la quiétude des potentiels clients des filiales nigérianes. Il s’agit de la grosse colère piquée par Mallal Sanuci Lamido, le tout nouveau gouverneur de la banque centrale du Nigeria, face aux montants exorbitants de créances irrécouvrables, cumulés par cinq importantes banques que sont : Afrikbank Plc, Intercontinental Bank Plc, Union Bank of Nigeria, Oceanic Intercontinental Bank Plc et Findbank Plc. Ces créances irrécouvrables représentaient plus de 40% du portefeuille global des banques du Nigeria. Cette dernière situation emmène plus d’un à s’interroger sur la politique de gestion des risques crédits mise en place par celles opérant déjà en Côte d’Ivoire.


La nécessité de rassurer


Avec tout cet environnement de crise financière internationale, les éventuelles hésitations relatives à la fiabilité des banques nigérianes opérant en Côte d’Ivoire, malgré leur puissance financière, devront être levées le plus rapidement possible par leurs dirigeants actuels. C’est le lieu pour eux de renforcer la communication financière à leur niveau et de se rapprocher d’avantages de la population par des actions visibles de lutte contre la pauvreté et de financement massif des projets des jeunes entrepreneurs de ce pays. L’autre piste à explorer pourrait être le démarrage de procédures de certification de ces filiales, auprès d’agences assermentées dans ce domaine. La population ivoirienne devra également faire confiance au professionnalisme avec lequel travaille la commission bancaire de l’UEMOA pour éviter que la sous-region ouest africaine se retrouve dans une éventuelle crise bancaire systémique. Le marché bancaire ivoirien continue d’afficher son image de rude champ de bataille des financiers, espérons que les autoritaires de régulations monétaires demeurent très vigilantes.


LOH DAMAS

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