Diagnostic financier de la cotation en bourse de Pétro Ivoire



Le Mercredi 07 Septembre 2011, au cours d’un petit déjeuner qui a vu la participation d’une pléthore d’hommes d’affaires, de financiers et autres chefs d’entreprises, l’entreprise Pétro Ivoire a procédé à l’information officielle de son entrée en bourse. Voulant désormais opérer sur la place boursière française NYSE Euronext, l’équipe managériale de cette entreprise à capitaux privés n’a pas lésiné sur les moyens pour convaincre son auditoire de la nécessité pour elle d’initier cette opération financière.
Au-delà de toutes les assurances qui ont pu être données aux participants à cette prestigieuse cérémonie, il nous parait opportun d’adopter une posture d’analyste, afin de mieux passer au peigne fin, tous les contours dont pourrait regorger cette initiative financière menée par Pétro Ivoire. Entrons donc au cœur de cette cotation financière, et essayons de mieux comprendre et percevoir ce que certains financiers y diagnostiquent déjà.


Pétro Ivoire, une entreprise aux larges ambitions !


Dans un premier temps, il convient de prendre connaissance avec cette entreprise. Il faut savoir que cette société a été créée en 1994, sous l’impulsion de Monsieur Kadio-Morokro et se positionne aujourd’hui comme la première entreprise privée ivoirienne de distribution de produits pétroliers. A l’issue de l’assemblée générale constitutive tenue en Février 1994, Petro Ivoire SA, dont le siège social est situé sur le boulevard Valery Giscard d’Estain est mise sur pied avec un capital de 104 millions de FCFA et voit sortir de terre sa première station service à Treichville. Pétro Ivoire a complété en 2005 son activité par le développement d’un important projet de distribution de gaz butane. En 2007, la société s’est dotée d’une usine de remplissage de gaz, d’une capacité de production de 90 Tonnes/jour et une capacité de stockage de 225 Tonnes. Dans cette dynamique de croissance et de conquête de marchés, cette société s’est alliée à la société GEOGAS pour la construction d’une sphère de stockage de GPL d’une capacité initiale de 1500 Tonnes.
Par le biais de cette introduction sur le marché boursier international, Pétro Ivoire prévoit utiliser les fonds qui seront mobilisés, pour démarrer la construction d’une seconde sphère de gaz, après celle de Vridi, qui est directement reliée au quai pétrolier par une pipe pour la réception du gaz. Le nouvel investissement qui nécessitera plusieurs milliards de FCFA et permettra des approvisionnements plus fluides en gaz butane au niveau de la population. Pétro Ivoire occupe déjà 14% de ce marché après seulement 4 ans de pénétration.
Concernant le segment du réseau routier, cette entreprise compte poursuivre son programme de construction de 5 stations services supplémentaires dès l’année 2012, ce qui portera l’effectif à 33. Elle détient donc 15% aussi à ce niveau, plus précisément sur le marché terre.
Au niveau des perspectives, cette société pétrolière prévoit à moyen terme, intégrer les marchés sous régional, qui s’annonce de plus en plus dynamique. Elle est aujourd’hui dirigée par Sébastion Kadio Morokro, le fils du fondateur. Son actuel capital est 1.230 milliards de FCFA.


Les caractéristiques techniques de la cotation boursière


Cette opération financière sur le marché NYSE Euronext, a été goupillée par le cabinet Maréchal et Associés Finance. NYSE Euronext est un groupe mondial de places boursières, une plate forme de trading d’actions et d’autres produits financiers. Il est né de la fusion entre le New York Stock Exchange et le groupe Euronext. Avec un total de 8000 valeurs cotées, les échanges sur les marchés au comptant de cette place boursière représentent près de 40% des volumes mondiaux.
Pour revenir à la fiche technique de cette entrée en bourse, l’on retiendra pour l’essentiel qu’il s’agit d’une émission d'Obligations à Bons de Souscription et/ou d’Acquisition d'Actions Remboursables (OBSAR), pour un montant nominal de 5.000.000 euros (environ 3,2 milliards de FCFA), représenté par l’émission de 20.000 Obligations. Le nombre d'Obligations émises est susceptible d'être augmenté par la société d'au maximum 15 % (clause d'extension des OBSAR) pour le porter à 23.000 Obligations représentant un nominal total maximum de 5.750.000 euros.
La date de jouissance est celle du 30 octobre 2011. La valeur nominale unitaire se chiffre à 250 €, soit autour de 163 000 FCFA. Le prix d'émission : le pair, est payable en une seule fois à la date de règlement. Au niveau des taux t’intérêt : il sera appliqué un pourcentage de 5,50 % par an, annuellement à terme échu le 30 octobre de chaque année et pour la première fois le 30 octobre 2012. Le taux de rendement actuariel brut à l'échéance est de 8,286 %. La Maturité des obligations est fixée à 8 ans. Cette levée de fond est par ailleurs greffée à un système d’Amortissement normal in fine le 30 octobre 2019 par remboursement au pair majoré d’une prime de remboursement de 25% et de l’intérêt couru, soit 326,25 € (214 000 FCFA) par Obligation.
Selon Samuel Maréchal, dont le cabinet d’expertise en Finance a facilité la mise sur pied de cet emprunt obligataire, cette introduction se fera par processus de cotation directe. Quelques actions de Pétro Ivoire seront inscrites à la bourse de Paris et seront validées par le NYSE Euronext en tant que régulateur, ce qui permet donc d’avoir une valeur de l’entreprise. A côte de cette opération, 20 000 bons sont crées, par l’ouverture d’un emprunt obligataire, qui pourront être achetés par tous les investisseurs du monde entier dans la période allant du 21 au 31 Octobre 2011. Ces 20 000 obligations seront donc cotées, en plus de l’évolution du cours des actions de Pétro Ivoire. On obtient donc ainsi une double garantie : l’activité de développement de l’entreprise et en cas de problème des remboursements, ces bons pourront être vendus à d’autres fonds.


Les forces et opportunités de ce montage financier


Passée sous le feu d’un décryptage minutieux, cette opération financière pourrait laisser apparaitre des forces, des opportunités, des faiblesses et des menaces. Parlant des forces et opportunités, on dira que cette cotation en bourse pourrait être un puissant moyen de mobilisation d’importants financements pour Pétro Ivoire. La crédibilité incontestable de la place boursière NYSE Euronext rejaillira fortement sur celle de l’opération financière en elle-même.
Elle constitue donc une belle vitrine pour Pétro Ivoire qui se présente désormais comme la seconde entreprise ivoirienne, voir même subsaharienne à avoir affronté le marché boursier international après l’expérience de la SIMAT de Stéphane Eholié. Au niveau des caractéristiques techniques, le taux de rémunération, représenté par le taux actuariel de 8.28%, semble plus rentable que le pourcentage moyen de 6.25% généralement appliqué aux emprunts obligataire émis dans la zone de l’espace UEMOA.
La forte capacité financière des investisseurs opérant sur le NYSE Euronext constitue une belle opportunité pour les perspectives de développement de Pétro Ivoire. L’expérience du cabinet Maréchal et Associés dans le pilotage de ce genre d’opérations, et sa représentation sur Paris, devrait faciliter la conquête des investisseurs ne maitrisant pas le marché africain. La bonne maitrise du marché ivoirien par l’équipe de Sébastien Kadio Morokro et la bonne santé financière de cette société devrait garantir la rentabilité de l’investissement qui sera réalisé à la suite de cette levée de fonds.


Les faiblesses et les menaces de cette opération


L’entreprise étant cotée sur le marché international, les Ivoiriens résidant en Côte d’Ivoire et la faible culture boursière de notre population risque de favoriser son indifférence totale vis-à-vis de cette opportunité d’épargne. La valeur nominale de l’obligation, qui est estimée à 250 Euros, soit près de 163 000 FCFA, pourrait être jugée trop chère par les investisseurs habitués aux obligations de l’espace UEMOA qui tutoient généralement la valeur de 10 000 FCFA.
Le délai de 10 jours, prévu pour les souscriptions peut s’avérer trop court, vu que la moyenne temporaire des emprunts obligataires de la sous région avoisine très souvent la période d’un mois.
Au niveau des garantis, l’on remarque que la fiche technique de cette cotation ne met pas en exergue les éventuels partenaires financiers de Pétro Ivoire, qui se porteront garants en cas de défaillance dans le remboursement. Ce qui n’est pas le cas pour les emprunts obligataires classiques de l’UEMOA, où les banques et autres partenaires financiers sont constamment cités pour rassurer les souscripteurs. La grande morosité observée sur le marché boursier français depuis le mois d’Août, et les folles rumeurs provoquant en permanence une perturbation des valeurs cotées, pourraient emmener les premiers souscripteurs de cette opération, à liquider leurs obligations dans le souci d’une préférence pour la liquidité. Un tel scénario occasionnerait la chute immédiate de la cotation du titre Pétro Ivoire sur le marché des obligations, ce qui ne serait pas à son avantage.
Néanmoins l’initiative est à saluer, et nous gardons espoir que le marché boursier international réservera un bon accueil à cet emprunt obligataire.


LOH DAMAS

"La Tribune de l'Economie N°67"

Cel: +225 02 73 40 37

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